Le processus de la détermination de soi décrit les étapes que l’humain traverse pour choisir ce qu’il veut faire de sa vie. Comment exprimer sa pulsion de transformation du monde dans le monde qui l’entoure.
Les parents sont aux premières loges de ce processus. Leur rôle est déterminant. Ils peuvent favoriser ou défavoriser l’émergence de la singularité de leur enfant.
Ils sont d’abord le dépôt de l’angoisse existentielle pendant toute l’enfance. Durant cette phase, l’insertion du modèle parental dans le psychisme s’opère. Les parents représentent pour l’enfant l’état adulte – non un modèle de reproduction à viser– mais un modèle d’adulte « fini » construit. C’est–à–dire son devenir. La mère pour sa fille, le père pour son fils.
Il importe de bien préciser que les parents ne formatent pas leur enfant, ils lui servent d’échafaudage pour sa propre construction. Pour que le futur adolescent trouve du sens à la vie –énorme et incontournable défi– il faut que les parents lui donnent des raisons de croire à la valeur d’usage de sa
singularité.
(Chaque enfant rêve d’une destination personnalisée, d’un accomplissement de soi authentique, s’il perd l’espoir dans cet idéal, la souffrance peut entrainer toute les formes de violence…contre autrui, contre soi–même.)
A l’âge où cette envie se manifeste, à savoir la phase adolescence, aucun jeune ne connait le contenu exact et précis d’une profession, même si elle est celle du père ou de la mère. L’envie exprimée ne fait que symboliser le savoir–faire à démontrer et le genre de satisfaction personnelle attendue. Il faudrait donc interpréter le choix de l’individu de façon à déceler à la fois de quel genre de compétence l’enfant se croit capable et de quel plaisir il a besoin.
L’enfant a d’abord besoin d’un rôle maternant qui répondra à la question « Suis–je aimable ? » en tant que digne d’être aimé (et non poli, bien élevé comme me répondent souvent les jeunes en bilan). Cet amour inconditionnel qui fait suite à la fabrication par la matrice maternelle est en général un rôle tenu par la mère mais il peut être le fait du père (dans les cas de divorce des parents quand l’enfant est jeune, et la garde alternée, c’est ce qui se produit). Le besoin pour l’enfant est d’avoir suffisamment reçu de signes inconditionnels d’amour. Il peut sentir « ma vie a de la valeur, j’ai le droit d’exister »…
Puis vient la question suivante « A quoi je sers ? », cette question vient chercher le rôle paternant c’est–à–dire le rôle du géniteur qui se sent responsable de la projection vers le monde extérieur de l’enfant devenu adolescent… Ce rôle, les parents s’en parlent bien sûr, mais un côté solennel, presque cérémonial sera nécessaire dans le cas où il n’a pas été joué de matière progressive et sans gravité.
Donner l’onction paternelle est une nécessité pour que le jeune adulte ose franchir les portes du monde scolaire qui est son lot (ce que l’on attend de lui jusqu’à la fin de la scolarité), pour s’engager dans le monde professionnel, se projeter vers un devenir où il se détermine, où il détermine ce qu’il veut faire de sa vie, pour qu’il s’engage dans une voie d’études post–bac ou une formation professionnelle.
La phrase de l’onction paternelle telle que nous l’utilisons en bilan est : « Va, mon fils, ma fille, va là où tu veux aller, je sais que tu en es capable, et cela me rend heureux. ». Cette phrase contient 2 mots d’importance capitale : tu veux et je sais. Le jeune doit exprimer un désir sincère et le père doit dire non pas qu’il approuve ou encourage une option mais qu’il a toutes les raisons de valider une intention de vie concrète. Cette injonction est une confirmation et le père crédible parce qu’il est le père, l’auteur de la vie réifiée (concrétisée) par la mère. L’onction paternelle consacre la sortie d’adolescence et marque la fin des symptômes de crise.
Source : « Orientation et socialisation de nos ados »– Robert Jourda 2018